LE CARNAVAL, DE RIO A VENISE
À L’ÉCOLE DE LA SAMBA
Chaque année, au mois de février, Rio de Janeiro se transforme en une fête gigantesque.
Le mythique carnaval de la cité carioca fait rêver la planète entière, les enfants comme les anciens, les danseurs de samba… comme les prêtres !

C’est une danse païenne et scandaleuse, venue du Portugal et d’Afrique, réinventée au Brésil.
Dans les premiers temps, la samba, provocante et sensuelle, déclenche une violente réaction de la part des bourgeois et de l’Église qui la jugent obscène.
Ce n’est pas du tout le point de vue de Cardoso dos Santos.
Né au milieu du siècle dans une banlieue pauvre de Rio, son enfance est bercée par les rythmes du carnaval et de la samba. Mais comment concilier sa vocation de prêtre et sa passion pour la danse ?
Il renonce à devenir prêtre et se lance dans une carrière de … professeur de musique !

Et comme, dans son quartier, rien n’est fait pour les enfants, Cardoso décide d’ouvrir une école de samba, la première réservée aux enfants et aux pauvres.
Dans les années 1980 en effet, les grandes écoles de samba de Rio s’adressent aux adultes qui s’entrainent toute l’année dans l’espoir d’être distingués pendant le carnaval.
Alors que les prestigieuses institutions cariocas considèrent son initiative d’un œil condescendant et refusent de l’aider, il accueille ses premiers élèves en 1983.
Son ambition n’est pas seulement de leur apprendre la musique et la danse, mais bien de leur donner accès à une véritable éducation.
Le succès est immédiat, de nouvelles écoles ouvrent dans d’autres quartiers et le mardi du carnaval devient le jour de la grande parade des enfants : comme les adultes, ils défilent devant les passionnés venus du monde entier.
Pour ses élèves, c’est un rêve qui devient réalité.
Mais cette récompense est le fruit d’un dur travail, et tous n’ont pas cet honneur.
En effet, la réussite aux examens est une condition nécessaire à la présence dans la parade, ce qui fait de son école l’une des meilleures de tout Rio de Janeiro !
LE SECRET DE VENISE
L’année 1789 voit l’un des derniers, l’un des plus beaux carnavals que Venise n’ait jamais connu. Les Vénitiens se livrent à la fête sans aucune retenue.
Et rien, ni personne, n’empêchera la population de s’amuser, pas même le doge…

L’hiver a beau être rude et la lagune gelée, le carnaval est d’autant plus fêté qu’un parfum de fin des temps flotte sur Venise.
Comme si la ville était consciente de vivre ses derniers moments de République Sérénissime.
Au célèbre vol de l’ange à cheval, s’ajoutent les « momaries », sortes de danse d’épéistes, se produisant sur des estrades aménagées à cet effet.
Des jeux sont organisés pour commémorer le courage de Vitale Michiel II et la lâcheté d’Ulrico.
Et les feux d’artifices illuminent les nuits vénitiennes.
Mais alors que le carnaval vient à peine de débuter, le palais doit faire face à une véritable catastrophe.
Les dignitaires viennent de découvrir le corps déjà rigide du doge Paolo Renier.
C’est la panique ! Que faut-il faire ? Si certains, sincères, prient pour l’âme du doge, d’autres, plus ironiques, rendent grâce au Seigneur de lui avoir laissé la vie sauve, au moins pour la cérémonie de la piazzetta.

Personne ne sait quoi décider.
Annoncer le décès et arrêter la liesse du carnaval, ou dissimuler l’auguste – mais ô combien gênant – cadavre ?
Les partisans du silence estiment que la fin prématurée des festivités risque d’attiser la colère de la population, et même de provoquer une véritable émeute.
Peut-on prendre le risque de mécontenter les Vénitiens alors même que le pouvoir est vacant ?
Finalement, c’est le secret qui l’emporte. Il s’agit de taire le décès jusqu’au jour du Carême.

Une véritable mascarade se met en place, avec la complicité de proches et membres du Conseil.
Le doge est enfermé dans ses appartements, sous bonne garde, et à tous on prétend que Paolo Renier est fatigué, peut-être même malade.
Par conséquent, toutes les audiences sont suspendues.
Le 2 mars 1789, jour de Carême, on annonce à la population que le doge bien-aimé s’est éteint …
** Extraits – D’après « la folie carnaval » de Sarah Belabes – Timée-Editions –