La geste de Bouddha
Jusqu’au 4 septembre 2022, au MUSÉE DES ARTS ASIATIQUES – NICE, ARÉNAS

Le musée départemental des arts asiatiques a donné carte blanche à Virginie Broquet pour la création d’une œuvre monumentale dans sa rotonde bouddhique.
Unique en France, cet espace expose un ensemble statuaire qui montre le lien spirituel unissant le continent asiatique depuis plus de deux millénaires.
Le lieu ne laisse pas insensible le public et, propice au dialogue entre les époques et les matières, il accueille depuis vingt ans des expositions d’œuvres contemporaines en lien avec l’Asie.

D’origine niçoise, Virginie Broquet voyage, dessine et observe. Elle est une citoyenne du monde qui a parcouru le globe et fait de nombreux séjours en Asie.
Elle a pu expérimenter la « sereine effervescence » des pays où elle a séjourné, du Vietnam au Japon, en passant par le Cambodge et la Chine, et retranscrit dans un style très personnel ce qu’elle a pu y observer.
Elle dépeint la vraie vie, la vie des gens.
Ces moments saisis sur le vif disent sa curiosité pour l’ailleurs et les autres. Chaque image devient une aventure.
Envisageant sa pratique artistique comme une forme de méditation, elle prend ici pour sujet la figure du Bouddha et accompagne le spectateur dans un voyage poétique à travers les images et les traditions dans un changement radical d’échelle, de l’intériorité à la monumentalité.
Son geste créatif donne forme à une geste fondamentale de l’histoire de l’humanité, celle de Siddhartha Gautama.
Durant les deux premières semaines de l’exposition, les visiteurs du musée sont invités à échanger avec l’artiste et à la voir réaliser devant eux ses dessins muraux, une occasion rare d’assister à la création d’une œuvre.
Virginie Broquet

Diplômée de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg en 1992, elle obtient « l’Alph-Art Avenir » au festival international de bandes dessinées d’Angoulême en 1993.
Elle a reçu les insignes de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2018.
Elle partage son activité entre la presse, la bande-dessinée, l’illustration, la publicité, la peinture et la mode, collaborant notamment avec les stylistes Isabel Marant et Xuly Bët. Elle réalise pour l’édition une trentaine d’ouvrages pour les adultes et la jeunesse tels que Recettes d’une grand-mère à sa petite fille, avec Sabine Cassel et Monica Bellucci, et Carnet du Sénégal, avec Richard Bohringer.
Son dernier ouvrage, Sur la route des ambassades de France est paru aux éditions de La Martinière en septembre 2020.
De ses carnets de voyages naissent ensuite de grandes toiles peintes en techniques mixtes.
Virginie a réalisé les vitrines de Noël du Printemps Haussmann à Paris en 2002, signé la conception de 25 chars pour le Carnaval de Nice et travaillé sur le centenaire du Negresco, ainsi que pour la Société des Bains de Mer à Monaco.
Vous partagez aujourd’hui votre activité artistique entre la presse, la publicité, la bande dessinée, la mode ou bien encore la création de chars pour le Carnaval de Nice. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a mené à cette vie d’artiste éclectique ?
Ce que j’aime dans le dessin, c’est justement le côté éclectique. J’ai, au départ, fait beaucoup de carnets de voyages car j’étais attirée, quasiment de manière compulsive par les voyages, mes premiers amours. Mais, j’ai aussi réalisé des bandes-dessinées, des ouvrages jeunesse. Tout s’est fait en même temps. Toutefois, les voyages ont toujours été importants. J’ai donc entrepris mon projet de carnets Sur les routes des ambassades qui m’a pris plus d’une vingtaine d’années et qui m’a permis de visiter près de quarante pays en donnant à voir ces lieux méconnus que sont les ambassades et les consulats de France.

Outre vos carnets, vous pratiquez majoritairement le dessin, l’illustration. Qu’est-ce qui vous a poussé à privilégier cette technique ?
Dans ma famille, il y a un artiste, que je n’ai pas connu malheureusement, mon arrière-grand-père, Léon Espérance Broquet.
Or, cet arrière-grand- père m’a influencée très tôt car, dans le salon familial, étaient accrochées, par-dessus une tapisserie psychédélique, deux de ses gravures de guerre que je reproduisais dans mon enfance. Alors qu’il avait 45 ans, il s’était engagé volontairement dans la guerre de 1914-1918 et croquait des scènes de tranchées. En 1917, il est devenu peintre des armées. Ses tableaux se retrouvent donc aujourd’hui au musée de l’Armée aux Invalides.
Un jour que j’exposais au quai d’Orsay juste à côté, j’y suis allée. J’avais pris rendez-vous avec la conservatrice en chef et elle m’a montré de nombreuses œuvres, lettres et grands tableaux de guerre de la main de mon aïeul. J’étais très émue, c’était incroyable. Quelques années plus tard, lors de la dernière étape de mon périple Sur la route des ambassades à Beyrouth, en dessinant dans un des salons de la Résidence des pins, siège de l’ambassade de France, je suis tombée sur une œuvre de mon arrière-grand-père, un paysage de Notre-Dame de Paris enneigé avec la flèche qui avait brûlé quelques mois auparavant. Tout cela était surréaliste et d’ailleurs, le demeure.
Vous avez, à votre tour, croqué de nombreuses scènes de vie à travers le monde dans vos carnets de voyage.
Parmi les destinations, figurent de nombreux pays d’Asie. Quelle place occupe cette région du monde dans votre vie et dans votre travail ?
Je suis un peu la sagesse de Bouddha !
Je me lève avec le soleil à 6 heures et pratique le qigong au réveil. D’ailleurs, lors de mes études à la Villa Thiole, à Nice, j’avais une professeure d’origine vietnamienne qui était un véritable fantasme pour moi avec ses longs cheveux noirs.
Elle me racontait qu’elle faisait sa gym tous les matins, elle incarnait, pour moi, une forme de sagesse. Il y a également de la sagesse dans le dessin, un investissement personnel. La création vient de l’intérieur, elle est comme une méditation.
Quand je dessine, je ne vois plus les personnes qui se trouvent autour de moi. Pourtant, je suis là, je suis avec eux mais je suis avant tout avec mon dessin.
Plus tard, en 1994, j’ai effectué mon premier voyage au Vietnam pour accompagner ma belle-mère qui revoyait son pays d’origine après trente ans d’absence.
J’y ai croqué la vie des gens. J’aime dessiner la vie.
Pendant le temps de création, il se passe beaucoup de choses, c’est comme un film qui passe, un moment de vie sur une image. Je fais, d’ailleurs, parfois des annotations : des couleurs, des sons ou des paroles que j’entends pour garder une trace de cette ambiance.
Cela me permet aussi de partager avec mes proches, à mon retour, en leur montrant mes carnets, en leur dévoilant les images que j’ai vues et qui restent gravées dans ma mémoire.

Justement, que retenez-vous de vos séjours dans les pays d’Asie du Sud-Est ?
L’univers des bonzes, les tenues des habitants, la joyeuse anarchie comme à Bangkok par exemple. C’est doux l’Asie. Une douceur que j’aime vivre. Pourtant, c’est parfois rude. Il y a du bruit, une effervescence continuelle mais il existe malgré tout une sérénité qui me plaît et qu’on retrouve au musée des arts asiatiques.
À l’occasion de votre exposition au musée départemental des arts asiatiques à Nice, vous allez réaliser une « fresque » bouddhique sur un mur de 40 mètres.
Ce changement d’échelle a-t-il un impact sur votre manière de travailler ?
J’ai déjà fait cette expérience au Cambodge et au musée Massena à Nice à l’occasion de mon exposition Sur les routes des ambassades.
J’avais peint directement sur des murs de dix mètres, sur le vif. J’avais représenté de grandes villes du monde.
J’adore faire ce genre de travail car ce sont des occasions rares pour un artiste.
J’aime bien aussi faire des décors pour le privé, parce que ces réalisations murales sont plus qu’un tableau.
Le dessin est alors en phase avec le lieu, c’est une œuvre qui fait partie de la maison, elle est imbibée, intégrée, surtout lorsqu’y figurent des personnages qui deviennent alors presque vivants et accompagnent la vie du lieu. C’est une présence.
L’exposition La geste de Bouddha va durer sept mois mais restera, finalement, une œuvre éphémère.
Alors que vous aviez l’habitude de conserver une mémoire de vos dessins, est-ce que cet aspect du projet provoque chez vous un sentiment particulier ?
C’est le propre des expositions, comme au musée Massena où l’exposition n’avait pu être vue à cause du confinement.
Ça c’était frustrant ! Ici, cela va durer sept mois, je trouve ça super.
Je suis du côté de la vie, donc partante pour le nouveau. Ce sera un beau moment à passer ensemble avec de belles rencontres avec le public.
MUSÉE DES ARTS ASIATIQUES
405 Prom. des Anglais, 06200 Nice
Tel: 04 89 04 55 20
https://maa.departement06.fr
Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles